Bibliophage
Dans mes coups de coeur littéraires de ce début d'année, des romans qui n'ont strictement rien à voir entre eux...
Le volume IV du Clan des Otori, de Lian Hearn, intitulé Le cri du héron va sortir à la fin du mois de mars chez Gallimard... Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore Takeo Otori, il s'agit d'une grande fresque épique qui se déroule dans un Japon médiéval imaginaire et qui raconte l'éducation et la vie d'un jeune guerrier héritier de trois grandes lignées, les Invisibles, la Tribu et les Otori, aux idéologies et aux talents divers. Au programme, batailles, épreuves, intrigues, prophéties, surnaturel, amour et surtout du suspense !!! Quand on se plonge dans l'un des romans, on ne peut plus le lâcher ! Mais ça se lit très facilement, donc on arrive très vite au bout. Les romans s'adressent à la fois aux adolescents et aux adultes, aux gros durs comme aux midinettes. Le seul problème, c'est de se repérer dans les personnages, de plus en plus nombreux au fil des tomes, mais c'est plus facile si on les lit à la suite ! Le quatrième tome n'est pas le meilleur, d'ailleurs elle n'avait prévu d'en écrire que 3, mais le succès aidant... Un 5ème tome est prévu pour raconter les origines de Shigeru, le père adoptif de Takeo.
La trilogie a connu un tel succès qu'elle possède évidemment son site internet (très beau) à consulter d'urgence et, bien évidemment, elle existe en poche (sauf le volume IV puisqu'il n'est pas encore sorti !):
http://www.gallimard.fr/otori/index_swf.htm
Cela n'a rien à voir et c'est beaucoup plus sombre : Chassés de l'Enfer, de Robert Ménasse, chez Verdier, est un roman magnifique qui raconte en parallèle (on passe de l'une à l'autre sans transition tout au long du roman) la vie du premier maître de Spinoza, Manasseh ben Israël, qui a échappé enfant aux massacres de l'Inquisition au Portugal et celle d'un jeune garçon né d'un couple mixte (juif et chrétien) dans les années 50 en Autriche. Ce dernier évoque dans l'espace d'une soirée les souffrances d'une enfance et d'une jeunesse "à part". Là aussi, le roman est captivant et -malheur !- comme il n'y a pas de séparation en chapitres, on ne peut même pas se dire "je lis jusqu'au prochain chapitre et je m'arrête". Du coup, on lit jusqu'à 3 heures du matin... et on le finit en une semaine ! (parce que c'est un gros roman). Deux beaux exemples de destins ratés malgré l'intelligence des deux protagonistes. Evidemment ça fait réfléchir au destin des Juifs dans l'histoire, tout en mettant l'éclairage non sur la Shoah (présente en filigrane néanmoins) mais sur les persécutions de l'Inquisition, tout aussi meurtrières et méticuleuses. On découvre également l'Amsterdam du XVIIème siècle, en pleine émergence, grâce au commerce mais aussi à la liberté qu'elle promettait à tous les persécutés du monde entier.
Allez, je ne peux pas m'arrêter là. Pour celles qui veulent découvrir un belle réflexion sur la féminité après quarante-cinq ans, sans happy end et sans éclairage flatteur, et pour les amoureux de l'Irlande, il faut lire Chimères de Nuala O'Faolain, publié chez Sabine Wespeiser et en poche (10/18). Le troisième livre de cet auteur (L'histoire de Chicago May) a eu le prix Médicis Etranger cette année. Chimères est le deuxième. Rien que le titre et on a envie de l'ouvrir. J'ai eu un peu de mal à rentrer dedans et puis j'ai été entraînée. Kathleen revient pour la première fois dans son pays natal, l'Irlande, où elle a vécu une enfance douloureuse qui l'a conduite à s'enfuir en Angleterre pour ne jamais revenir dans sa patrie jusqu'à ce jour. Elle vient de perdre son meilleur ami, celui qui était devenu sa famille, puisqu'elle n'a pas réussi à en fonder une. Elle décide de se plonger dans une affaire judiciaire vieille d'un siècle, où un riche propriétaire anglais reprocha à sa femme de l'avoir trompé avec un palefrenier irlandais. Alors, amour interdit ou intrigue sordide ? Un vrai Lady Chatterley avant la lettre qui s'entrelace avec le récit contemporain. On y croise donc de magnifiques personnages de femme, confrontées à de véritables interrogations, des regrets poignants et sans prince charmant en perspective pour dénouer tous les fils. Une petite musique mélancolique s'en dégage, mais sans apitoiement. C'est triste mais lucide, vrai, profond et intelligent.
Bises à toutes,
K*.